de GUILLAUME DE FONTENAY

Sarajevo, novembre 92, sept mois après le début du siège.
Le reporter de guerre Paul Marchand nous plonge dans les entrailles d’un conflit fratricide, sous le regard impassible de la communauté internationale. Entre son objectivité journalistique, le sentiment d’impuissance et un certain sens du devoir face à l’horreur, il devra prendre parti.
Si j’avais su tout cela, je me serais étouffé avec joie dans le premier cri de ma naissance. J’appartiens à cette génération à qui l’on a menti.
Écrit le feu Paul Marchand dans son livre Sympathie pour le diable. Grand reporter de guerre français, il a couvert la guerre civile du Liban avant de médiatiser sur les ondes de Radio Canada, de la RTBF, de RFI ou encore de Radio Suisse Romande, les atrocités commises durant le siège de Sarajevo, de 1992 à 1995.
Ce journaliste – qui tâtait chaque matin les corps des cadavres à la morgue pour faire figurer leur nombre exact dans ses billets, le même qui, toujours un cigare à la bouche, arpentait le terrain béat de décrépitude de ce qui restait des zones de front, ou qui sillonnait dans sa Ford blanche lancée à tout berzingue, les boulevards mutiques coincés entre deux bâtiments encore dressés – est le personnage haut en couleur dont s’est emparé le réalisateur montréalais Guillaume de Fontenay. Pour son premier long métrage au titre éponyme, il expose la monstruosité de ce qu’a été cette guerre civile, opposant serbes, croates et bosniaques, à travers le regard de ce reporter fascinant.

Tout de suite je l’ai trouvé sympathique. Tordu, effarant, flamboyant dans le nébuleux, mais, quand même attachant et fréquentable.
Cette citation, à nouveau extraite du livre de Paul Marchand, aurait très certainement pu être prononcée par le réalisateur à propos de ce dernier. Après 14 ans de labeur et de refus pour que son film voit le jour, Guillaume de Fontenay est parvenu à atteindre son objectif : celui de réveiller les consciences face à un drame passé presque inaperçu à l’époque, tout en rendant hommage au reporter, très justement et sensiblement incarné par Niels Schneider.

Grande gueule jamais mis sur un piédestal, un bonnet trop court vissé sur le crâne, et des lunettes qui lui donnent un petit air d’intello, Paul a l’élégance d’un dandy déchu. Ce qu’il pense, il le dit tout haut, sans demie mesure, et sans crainte de vexer son entourage ou ses collègues de travail. Pas le temps de niaiser. On suit son quotidien à l’Hollyday Inn (le QG des journalistes internationaux), on assiste à sa rencontre déterminante avec une civile hors du commun Boba Lizdek, également brillamment interprétée par Ella Rumpf, et on l’accompagne sur le terrain, parcourir les camps ennemis, les lieux d’intervention de l’ONU, ou la morgue, toujours accompagné par son caméraman et son ami photographe incarnés par Vincent Rottiers et Clément Métayer.
Filmé caméra à l’épaule, en 4/3, le format télé de l’époque, Sympathie pour le diable est un film immersif qui se rapproche au plus près de la réalité, notamment grâce à une photographie en lumière naturelle à couper le souffle.