de PABLO LARRAÍN
Sortie le 2 septembre 2020

Ema, jeune danseuse mariée à un chorégraphe de renom, est hantée par les conséquences d’une adoption qui a mal tourné. Elle décide de transformer sa vie.
Une héroïne incandescante
Un feu tricolore flambe lentement dans les rues désertes de Valparaiso encore endormie. Ema (la solaire Mariana Di Girólamo) apprentie pyromane revêtue d’un uniforme de sapeur pompier, lance-flamme sur l’épaule, contemple ce spectacle, impassible. Dès les premières images, le réalisateur chilien Pablo Larraín (Jackie, Neruda, El club) et son fidèle chef opérateur Sergio Amstrong posent sur cette scène en proie au chaos, un regard fasciné et fascinant, avant de nous faire plonger dans l’intériorité de cette héroïne imprévisible et bouillonnante.

Cheveux courts peroxydés plaqués en arrière, Ema déambule dans les couloirs d’un établissement sécurisé à la recherche de sa mère, la raison incarnée qu’elle n’écoute jamais, à quoi bon après tout ? Cette dernière la sermonne et lui reproche sans cesse d’être une mauvaise mère, incapable de s’occuper de son petit garçon adoptif, Polo dont elle n’assure désormais plus la garde depuis un tragique événement.

C’est la liberté qui m’intéresse. Et ressentir le pouvoir que peuvent avoir les femmes.
Dans le déni, et parce que cela fait partie intégrante de sa vie, Ema se réfugie dans la danse, un acte salvateur. C’est d’ailleurs par les mouvements de son corps, sublimés par Nicolas Jaar qui signe la musique originale, ou bien sur des tracks de reggaeton, qu’Ema s’exprime le mieux. Son compagnon Gastón (Gael García Bernal, électrisant dès qu’il apparaît à l’écran) un chorégraphe un peu vieux jeu, dirige la compagnie dont elle fait partie. Sous l’égide d’un immense soleil variant du rouge au bleu à mesure que les danseurs se meuvent sur le plateau sombre du théâtre, Ema accroche notre regard et nous envoûte telle une sirène moderne.

Pulsation anarchique
Son couple bat de l’aile et tente à de nombreuses reprises de s’expliquer et de se rafistoler, en vain. Ema incendie tout sur son passage, des relations qui l’entourent aux émotions de ses proches qu’elle vampirise. Elle est un électron libre désinhibé, aussi sensuelle que libertaire et amorale, prête à tout pour avoir à nouveau la garde de Polo. C’est peut-être en ce sens que le film va diviser, je m’explique. S’il fourmille de thèmes : l’adoption, la danse, l’amour, cette nouvelle génération, etc. le montage anarchique, et le scénario quelque peu confus quant aux motivations de cette protagoniste manipulatrice et calculatrice, pourront en perdre plus d’un. Pour parvenir à ses fins, Ema n’y va pas de main morte, c’est le moins qu’on puisse dire. Elle s’autorise tout, provoque des crises de jalousie, couche ici ou là, avec elle puis lui et ne regrette rien, ce qui est parfois assez déstabilisant. Aussi, la meilleure façon d’appréhender ce film est peut-être comme son héroïne, de supprimer de son éthique la case « rationalité » afin de saluer les partis pris esthétiques de cette mise en scène ébouriffante.